Les transports en commun sont tout sauf un lieu de communication. Je ne me sens jamais plus seule que dans un RER bondé ou un debout dans un bus. Même marcher dans une rue déserte est moins isolant.
Il y a tout d'abord cette odeur caractéristique des stations de RER et de métro, cette odeur de renfermé et de pollution... On étouffe dans cette atmosphère lourde, presque tangible, qui vous colle à la peau et vous emprisonne...
On côtoie dans les transports toutes les différences et tous les extrêmes, on y voit toutes les couleurs et tous les genres. Parfois, on y croise la misère -et on détourne les yeux, très vite, gêné de notre petite vie aisée - et parfois la musique - celle de ceux qui n'ont plus que ça, et celles de ceux qui en sont passionnés. On y croise la mort, qui rôde invisible dans cet air noir... Cette femme qui criait, les bras en croix, qu'elle allait se suicider, et personne qui ne réagissait. Dans quelle société vivons-nous ? Même moi, je me suis contentée de presser le pas, mal à l'aise...
Dans les transports, on ne parle pas, ou à voix basse. Chacun y est replié sur soi... pas de notion de communauté là-dedans. Ensuite, on ne se regarde pas. C'est mal. On fixe un point et on y perd son regard, voilà tout. Sachant que personne ne me regarderait, j'ai regardé, moi. Et j'ai compris pourquoi on ne promenait pas ses yeux dans les transports, pourquoi on laissait ce sens en veille pendant ces voyages. Par peur d'être déçu. De se rendre compte que, finalement, on est comme eux, gris dans du gris, anonyme parmi les anonymes. Différents, oui, mais pour former une masse compacte et silencieuse et triste.
Il y avait cet homme, en face de moi dans le RER : il était sale, laid, terne. Pas même une impression de symapthie ou de gentillesse sur son visage... Il a sorti un livre de son sac... C'était Othello. Cette pièce que j'avais adorée, dans ses mains crasseuses, sous ce regard vide. Et cet homme, qui était là, à se gratter le nez, pendant que je réprimais difficilement ma répulsion... J'étais tout d'un coup remplie d'amertume, à voir cet homme qui représentait tout ce que je ne voulais pas être, lire cette pièce que je m'étais un peu appropriée, comme tout livre que je lis... Il n'était qu'au déut du livre. J'espère qu'il ne le finira jamais. Ou pas dans un RER. Instinct possessif.
Dans les transports, nous ne sommes réduits qu'à des tickets mauves, en fin de compte. Tous les mêmes. Des numéros qui se déclinent à l'infini...
Ajouts injustifés :
sveti
c'est inadmissible : pas de commentaires après 2 jours pour un article comme celui là ! Il faut croire que l'on s'habitue à la qualité... nan nan nan, moi je suis toujours ravie de voir de si beaux articles, un si beau langage, et j'espère que tu m'enchanteras longtemps encore, ma petite 8-sous.
ouaip, j'adore cet ( non, pas article, trop prosaïque ) écrit, mmm, cette "page".